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DU RÊVE TRANSATLANTIQUE AU CABOTAGE DE LA RTE EN SHARPIE
De l'évènement forestier à la panne industrielle
Le jeudi 30 juillet 2009 entre 17h11 et 18h10, une coupure du réseau électrique a entraîné la mise hors ligne de près de 1 200 000 abonnés - selon RTE - répartis notamment entre les départements du Var et des Bouches-du-Rhône. Les raisons de cette gigantesque panne découle d'un incendie survenu entre les communes d'Aurons et de Pélissanne à proximité de l'unique ligne électrique - comprenant deux lignes chargées respectivement en 400 000 volts - qui depuis la commune de Tavel - dans le Gard -alimente en électricité le sud est français.
Cette configuration particulière du réseau Sud est est pointée par Frédéric Dohet, Directeur délégué au système électrique pour le Sud est au sein de RTE, - comprenez "réseau de transport d'électricité" - comme une faiblesse propre à engendrer sur le réseau des anomalies récurrentes. Ce jeudi 30 juillet sur le site RTE de Bouc-Bel-Air, l'agent d'astreinte doit prendre la lourde décision, celle d'appuyer ou non sur le bouton. Le CODIS, sorte de bras armé des services de luttes contre les incendies et pour parti basé à Valabre - commune de Gardanne - est en liaison directe et égrène minute par minute l'évolution du sinistre. La décision de couper le réseau depuis la salle de contrôle revient finalement au Préfet de département et au Directeur local de RTE.
Le risque, en laissant le courant circuler dans les installations à proximité d'un incendie, peut être encouru éventuellement par les personnels des Canadairs qui pourraient être mis au contact de charges électriques très puissantes durant les phases de largages. La décision apparaît comme cruciale sur plusieurs points avec, d'une part les risques pesant sur les effectifs de pompiers engagés sur le terrain et d'autre part, les coûts liés à une rupture de l’approvisionnement. Sur ce dernier point on distinguera les coûts liés à d'éventuels incidents fruits de la panne et les coûts symboliques induits.
Du diner champêtre à Sainte-Croix à la lumière de cire des villes
Pour illustrer cette dernière sorte de coûts, une simple lecture des médias contemporains à l'évènement suffit. "Vaste coupure d'électricité en Paca, en raison d'un incendie" pour Libération ou "Vaste coupure d'électricité en Paca" pour le Figaro, le réseau en prend un coup. Et pourtant à y voir de plus près : pauvre réseau victime des méchants incendies de forêt. Il n'en fallait pas plus aux responsables de RTE pour remettre au goût du jour le besoin impératif pour la région Paca d'une deuxième ligne d'alimentation. RTE en serait enchanté, le problème : un tracé envisagé sous très haute tension.
Prenant pour décor l'écrin des Gorges du Verdon, survolant un temps le lac de Saintes-Croix, le projet de ligne à très haute tension un temps défendu bec et ongles par RTE a été remisé dès 2006 par le Conseil d'Etat. Ce recul marque une étape au sein d'un bras de fer trentenaire engagé entre la division transports du groupe EDF et les riverains organisés en un lobby devenu puissant. A la suite, peu de solutions émergent : hormis ce tracé seule la couteuse alternative de l'enfouissement existe. Mais pour cela, il faut réduire de moitié les performances de l'ouvrage en terme de capacité de charge - 250 000 volts en lieu et place des 400 000 volts prévus dans le projet de ligne aérienne initiale - mais surtout, il importe de financer le surcoût de l'enfouissement. En effet, le mètre linéaire de réalisation aérienne coûte en moyenne deux fois moins chère que son homologue sous-terrain.
Pour le RTE la mission principale est de résoudre les problèmes de réseau de la "péninsule électrique", ce secteur dont l'alimentation en courant dépend pour plus de 50% des apports du réseau. De même, si demain les ouvrages industriels d'EDF devaient produire plus d'électricité, le réseau ne serait pas en mesure de transporter la production. Or, le site d'Iter, par ailleurs vaste chantier international au sein duquel les règles de travail sont internationalisées, serait à terme un fournisseur d'électricité potentiel et pourquoi pas dans un rôle saisonnier de fournisseur pour nos riverains italiens.
L'utopie "d'une EDF" comme un des membres autorisés du foyer en miette
De l'avis de beaucoup d'hommes en bleus, la parcellisation des fonctions du groupe EDF entre secteur monopolistique et secteur concurrentiel a entraîné une série de cafouillages, une évolution en entreprises d'un ensemble objectivé historiquement selon l'acronyme EDF par le publique. Alors que la production et la vente de l'électricité sont des activités ouvertes aux marchés, le transport de l'énergie et sa répartition reste entre les mains d'entités uniques. Cet aspect haché de la structure du "leader français de l'énergie" peut être mis en lien avec les relations établies entre Réseau ferré de France et la SNCF. RTE, créé le 1ier juillet 2000, est pour sa part institutionnalisée en qualité d'autorité d'utilité publique par une loi en date de février 2000. Les buts visés par la structure s'entendent en termes de gestion et de régulation du réseau. Pour autant, RTE est une société anonyme filiale du groupe EDF. Forte de plus de 8000 agents, cette entité semble assurée de demeurer intacte dans le contexte de décomposition permanente de l'opérateur électrique historique.
Pour le navire RTE, ce n'est certes pas la splendeur, ni le temps d'EDF où de nombreux employés recevaient comme une des pièces de l'héritage un des véhicules bleus réformés du service. Tout de même, il s'agit pour RTE d'assurer pour le compte de l'Etat et en qualité d'entreprise pour son propre compte une gestion efficace du réseau. En outre, RTE propose un panel d'activités regroupées par le groupe sous le générique de "International et prestations". Il est question de réaliser un travail "d'expertise et de conseil" auprès de tiers par la prospection d'opportunités en termes de gestion de réseau par exemple. La filiale d'EDF, qui affiche sur son site des valeurs de qualités notamment par référence au niveau de norme ISO 14001 mais également des ambitions écologiques, intervient comme le catalyseur d'une nécessaire politique du risque incluant la gestion de ces derniers.
Si les risques en terme de ruptures d'approvisionnement ou en terme d'incidents sont particulièrement prégnant dans l'activité de RTE qui rappelons le, a en charge la gestion du réseau électrique, le risque demeure dans le même temps comme un moteur économique et une essence symbolique permettant à la société RTE de justifier son existence. En Provence par exemple, dans le cadre du dossier de la "ligne de Tavel au Réaltor" dont l'incident du 29 juillet 2009 mais une partie des tenants en exergue, la notion de risque intervient à plusieurs niveaux et en somme constitue le fond du dossier. D'une part, la société RTE pointe les faiblesses du réseau à sa charge et affiche la volonté de construire une ligne nouvelle et d'une autre part, les riverains intéressés par le projet pointent les risques écologiques de l'opération. Le rôle d'entrepreneur-gestionnaire des risques est alors caractérisé même si le pouvoir de la société reste limité par les décisions supra de l'Etat.
RTE comme vestige et autorité charismatique de l'électricité d'état en France
En lien, la société RTE, par la composition de son conseil de surveillance mi-EDF mi-représentants de l'Etat, évoque un hybride institutionnel aux commandes d'un secteur en miettes : celui de l'électricité. Non que cette activité ne comprenne pas de multiples divisions, de multiples aspects et métiers mais plutôt que sa gestion historiquement monopolistique a contribué à produire une représentation symbolique particulière du secteur électrique en France.
La composition du directoire de RTE offre la même perspective sur cette société, EPIC d'un nouveau type. La présidence est assurée par Dominique Maillard, un ancien de la fonction publique. Ce dernier a occupé pour le compte de l'Etat des postes en liens avec le secteur énergétique notamment à la DRIRE puis, au sein des différents Ministères qui entre les années 1974 et 1990 ont eus en charge le secteur de l'industrie. Le Vice-Président du directoire, qui a également en charge par délégation la division Système électrique, est Pierre Bornard. Celui-ci est un ancien de chez EDF. Depuis 1976, Pierre Bonnard a occupé de nombreux postes au sein de la division Recherche de l'opérateur historique. Philippe Dupuis, Directeur Général Adjoint en charge des finances de RTE est, comme Dominique Maillard, un homme de ministères. Ce dernier est dès 2005 au service de François Loos Ministre de l'Industrie puis deThierry Breton alors en place au Ministère de l'Economie. Enfin, Hervé Laffaye, Directeur Adjoint en charge de la direction du transport d'électricité est une vieille connaissance de Pierre Bonnard étant issus comme lui de la très prolixe division Recherche d'EDF.
Le quatuor à la tête d'EDF affiche une parfaite symbiose entre EDF et représentants de l'état et de produire par cette addition des qualités spécifiques aux cadres dirigeants de l'organisation. A côté de cette façade bien réglée, de nombreux problèmes émaillent la vie du consommateur d'électricité. Sans parler de la hausse estivale du prix de l'électricité portée à 1,9 % par Pierre Gadonneix, de l'aveu de certains hommes : "rien ne tourne plus rond dans la boite". Pour ce témoin, encore à la suite des plans sociaux vêtus du célèbre pull bleu ciel "électrique", les problématiques affichées comme la ligne bis du Sud Est ne sont que des enjeux financiers posés à la suite de prospection, de mise en connexion d'ouvrages, d'une politique de l'énergie menée au sens large. Or, de cette largesse, de cette volonté d'intervenir en qualité d'expert, découle un abandon à la sous-traitance de métiers qui mis en somme permettent à la société française d'être sous tension. Ainsi, des jeunes qui sont payés aux nombres de relevés ne seront jamais agent EDF. Ailleurs, en certains points, le réseau souffre d'un entretien précaire laissant poindre de ci de là ce qui relève pour le moment de micro-incidents eu égard aux prodigieux enjeux induits par le contrôle des autoroutes européennes de l'électricité.
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