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LA ROULETTE DU CADDIE ETAIT DEVENUE FOLLE
Le caddie devisse
A quand le prochain s'étonne encore Jean-Pierre. Au loin, l'étrange groupe de clochards file au volant de leurs caddies de supermarché. Désuète, l'image étonne jusque dans les milieux ruraux. Lorsque la planche à savon a disparue, le caddie dévisse. Pour preuve, les plus anciens se souviennent du nombre de ces diables métalliques en errance dans les villes, les villages.
Du reste, cet outil de transport universel passé d'une totale gratuité à un coup symbolique reste utilisé dans les grandes métropoles. Sorti de son supermarché, l'engin perd donc de sa superbe. Un commercial d'une grande enseigne peste à la pause de midi. Dans le square où il grignote, un clochard arbore les couleurs de son enseigne. Déjà en rêve le jeune cadre imagine de poncer la poignée, de porter le nom d'un concurrent sur le chariot.
Un bip sur le portable marque déjà la fin de ses rêves de bricoleur. Sur la Nationale 7 vers Aix-en-Provence, alors que Jean-Pierre a atteint un bar glauque : le but de sa journée, notre trio de clochards doit encore parcourir quelques kilomètres. Dans ces moments difficiles, c'est Hans, véritable colosse du groupe qui donne la cadence, insulte l'automobiliste. Il faut pourtant continuer, convoyer jusqu'à la maison le précieux butin, quelques pièces automobiles dégradées, des boites de conserve avariées. Le chariot de Hans contient les bouteilles de vins et les canettes véritable carburant de cet équipage.
La parade rupestre des clochards
Enfin depuis une route qui passe à travers les champs, les comparses germaniques arrivent au terme de leur mission. Les deux-cent derniers mètres sont parcourus à travers un champ et enfin les engins sont stationnés. Là, dans la petite bourgade de Trets du début des années 2000, ces trois allemands vivent leurs rêves provençaux.
Lassés d'avoir les membres gelés dans les rues de Berlin, sur quelques routes de la Forêt noire, ces trois clochards avaient opté pour une destination plus ensoleillée. Installés à Trets au tout début de l'été 2002 Hans, Youri et Shina n'avaient que peu amélioré leur confort de vie en quelques mois. Au début, c'est dans les rues de Trets que les habitants avaient remarqué leur présence. Largement aviné, le trio assurait souvent le spectacle d'une qualité très urbaine. La trame de ces scènes tenait souvent à la rivalité entre les deux hommes pour la conquête de Shina.
Hans parfois très violent savait calmer ses troupes puis les ramener une fois de plus à la tanière. Dans ce cheminement, le groupes passait invariablement par le rond-point de sortie de ville parfois guetté par ceux de la "Maison du rond-point". Pour ses occupants, un groupe de jeunes squatters, ces clochards allemands étaient comme une énigme. Où pouvaient-ils bien se rendre ? Un temps l'hypothèse d'un campement fut envisagé mais sur la route qui mène à la Nationale 7 rien n'était visible.
Les trois petits cochons
La tanière de Hans est pourtant toute proche. Il s'agit d'une maisonnette placée au milieu d'un champ. Depuis la route un simple monticule de pierres, au-dedans avec Hans et les autres pas beaucoup plus. Les murs de pierres sont irréguliers, la pièce unique ne fait pas plus de 10 m². En cette fin d'après-midi, le plafond, le toit troué permet d'apprécier l'horizon. Dans l'immédiat, c'est le verre sale de Hans à moitié rempli de mauvais whisky pourtant réservé aux hôtes de marque.
Hans baragouine un français mêlé d'allemand. Lui est debout, ravit de présenter à ces deux jeunes de la maison du rond-point son habitat. Les première gorgées sont infectes, déjà Hans attaque son troisième verre cul sec, il s'enflamme, raconte son rêve : "faire mécanique auto française". Au sol sur une paillasse Youri en profite pour approcher le Whisky. Vigilant, Hans lui jette immédiatement une canette en pleine face. Hans rassure les deux jeunes de la Maison du rond-point : "le whisky être que pour invités".
Tandis que Youri décapsule une bière avec son reste de dentition Hans est à présent d'humeur festive. Borné, ce dernier insiste pour faire une démonstration de ses facultés sportives. Sans ménagement Youri est sommé dans sa langue natale de préparer les accessoires.
Course de caddies et casque orange pourri
Déjà Hans invite ses deux visiteurs, ravis secrêtement pressés d'en finir, à l'extérieur. Youri s'affère à vider l'un des chariots puis s'installe au-dedans. Hans le promène derrière la cabane. Youri est affublé d'un vieux casque de moto pourri. Hans va de plus en plus vite de sorte que les spectateurs restent interdits. Le sol rugueux du champ accroche, Hans pousse toujours, Youri gueule en allemand puis l'inévitable chute, la spectaculaire projection de Youri. L'homme canon se relève ravit puis vient faire la fête à Hans.
De retour dans la Maison du rond-point, ceux qui ont été chez Hans racontent. La clef du mythe des clodos aux chariots est enfin à disposition. L'odeur intense d'urine fait la une, les coussins mités, le verre plein de souillures que l'on te tend et à la tienne. Comble du gore, la paillasse commune avec des morceaux de cagettes, de la laine de verre où chacun imagine déjà les ébats du trio. "Hans c'est un monstre", "il est carrément chaud" renchéri un autre. Cette nuit-là, chacun rêve à ses habitudes, au cours des journées qui suivent malgré les sollicitations de Hans toute visite à son domicile est déclinée. Cette sortie si peu distante est des plus déprimantes.
Hans serre aussi du boulon
Une vieille voiture est reléguée au fond du jardin des squatters. Ce véhicule endommagé intéresse bigrement Hans qui à chacun de ses passages devant la maison hèle ses habitants à son sujet. Hans prétend pouvoir réparer le moteur pour une somme modique. Relâché, Grégorie tente l'expérience, autorise Hans à bricoler au fond du jardin de la Maison du rond-point. En bon clochard, Hans ne pénètre jamais dans la maison mais exige ponctuellement en guise de paie des verres de Whisky. Quelques bouteilles plus tard, le bougre semble avoir fait des miracles : le moteur émet de nouveaux du son.
Un jour, au réveil des squatters, le véhicule a disparu. Grégorie file à la maison qui sent l'urine. Hans est partit, la cabane est vide : pleine d'ordures. Blême, le jeune squatter admet à présent son erreur, s'affole à l'idée que Hans et ses comparses évolue à présent à bord d'un véhicule immatriculé à son nom.
Celà fera 300 Euros au-revoir et merci
Assumé la conduite d'Hans semble une tâche impossible. Si le commun des citoyens aurait de facto prévenu les autorités, Grégorie n'en fait rien. C'est une lettre adressée par la gendarmerie locale qui propose à Grégory de fournir quelques explication à propos "d'une affaire le concernant". Arrivé dans les locaux de la brigade, ce dernier est d'emblée questionné sur son véhicule disparu. Comment Grégorie peut-il expliquer que son véhicule soit à présent placé au milieu du parking d'un supermarché avec toutes les vitres cassées et l’habitacle remplit de ce qui est décrit comme un monceau d'ordures ? Grégorie tout en s'expliquant imagine déjà sa vieille R21 convertie en un immense caddie à la solde de Hans.
A la fin de l'entretien, Grégorie signe le document qui permettra la destruction de son véhicules non sans repartir avec la facture correspondant à la prestation plus de 300 Euros. Contre un jeton de plastique, Shina a obtenu un nouveau chariot, en retrait Youri semble affaibli tout comme Hans qui semble comme diminué. L'une des roulettes de son chariot est devenue folle. Comme à la course derrière la cabane des champs, Hans insiste. Depuis le bolide à la roulette folle, les bouteilles de vins éclatent à terre, Hans avec elle. Youri et Shina voit leur rêve de poisson ivre s'évanouir : Hans est un salaud. Hans plein de tessons git au sol plus au sud sur la Nationale 7. Le pousse tendu Youri et Shina jouent l'échappé-belle.
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Aix-la-Désenchantée, du rêve à la réalité - Tout les faits décrits sont réels seuls les prénoms des protagonistes ont été modifiés (...)
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