• UN PANNEAU BIEN HOSTILE : LE RÊVE A LA PASSERELLE

    Là où coule une rivière se rencontrent eaux et êtres humains. Du plus loin que l'on regarde, la jungle urbaine a perdu, ici sur cette très vieille berge, les arbres tricentenaires ont fait éclater quelques essais de béton. Lorsque les gouttes d'eau raisonnent sous les Kway, le gout de la pluie est délicieux. Peu alerte, deux femmes échangent, en retrait leur chien jappe, solitaire.

    Au fond de quelques impasses se perd ainsi l'urbanisme pour proposer un espace laissé tel quel par ces derniers occupants. Si des générations de marginaux ont campés alentours, un calme relatif reigne à présent. D'étranges toles disposées sur les flancs de la berge d'en face menacent. Sur les morceaux de métaux usastres ont lit "DANGER DE MORT" plus loin une étrange tête de mort tracée au moyen d'une peinture poisseuse.

    Une passerelle fabriquée à la hâte invite pourtant à l'approche. Le flôt des deux femmes est déjà indiscible, le silence s'installe. Bientôt une brêche dans le vieux grillage tente le visiteur. Un instant plus tard c'est Raymonde qui se présente de l'autre côté du treillis métalique. Avec sa copine Gilberte, elles voudraient simplement passer, finir la sortie de Brusquet : sorte de colley nain.

    A propos des slogans hostiles, les riveraines de la propriété sont formelles : il est parti. Pleine de courage, les deux femmes se souvienent, miment, retracent le parcours de l'ancien propriétaire. Ce dernier issu d'une riche famille ne pouvait se résoudre à abandonner son domaine pourtant inhabité de longue date et largement déradé. En voie d'être transformée en lotissement, la vaste bastide, sa fontaine, ses terres etaient jusqu'à ces derniers mois le territoire de ce vigil des temps modernes.

    Très cibilin, le bougre ne manquait pas d'effrayer les nombreux riverains qui au fil des années ont su apprivoiser cet espace agricole en voie de décomposition comme leur promenade. Alors que Brusquet suit ses maitresses, les deux femmes de la rives arrivent à présent. Il s'agit d'une mère et de sa fille qui viennent visiter leur amis de la bastide.

    Plus propre que d'habitude, le vaste bâtiment aux formes typiques de l'architecture provençale du 19 ième siècle a retrouvé maîtres et valets. Sur le déclin, la pluie devient encore plus agréable, tandis que la nuit vient il est temps de repasser la passerelle. Un dernier coup d'oeil aux plaques de toles hostiles : pas si mal que ça finalement.


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