• L'HIVER INDUSTRIEL DANS LES COINS EN Z.I. D'AIX

    Quand vient l'hiver, rien de tel qu'une bonne promenade en Zone Industrielle. A Aix-en-Provence, les hommes qui manient du colis, jouent du tournevis pour réhanimer un clarck se concentrent du côté des Milles, dans une Zone plus tertiaire qu'industrielle : un endroit où les produits sont assemblés, pesés, emballés pour finir préparés sous la forme de commandes. Pour certains, le trajet est un quotidien, un mouvement pendulaire entre espace civil et espace professionnel. A qui mieux vendre un hiver que dans cette zone. En sus, un vent matinal atise le givre resté vif sur les vitres des véhicules. Déjà le fumet du café rassure le travailleur au café snack du coin. Ont parlent boulot prisonbreack, de la fin ou du début, en mode embauché ou intérim. Quelques CDI s'attardent, les intérim enfilent leurs gants.

    En terme de visite, le flôt des ouvriers qui rentrent dans les entepôts happés par des tourniquets véritables vigiles pointeuses est un préalable. Métalique, le système parle également signifiant à Miguel, cet intérimaire sans carte, qu'il n'est pas prévu aujourd'hui. Blotti au fond du parking, le visiteur peut jouir du spectacle et en dernier lieu assister à la débauche des gars de la nuit. Au jour naturel l'expression du labeur est totale entre deux goullés de hachiche, un morceau de musique partagé à la vas-vite autour d'une portière lustrée.

    Continuant, le visiteur arppente de large trottoire où le piétond est un être rare, mieux vaut aimer les véhicules utilitaires, les camions et pourquoi pas admirer une manoeuvre de déchargement déliquate. En voiture, l'experience est plus agréable et permet une réaffiliation méliorative aux situations de travail. Ici un représentant, plus loin la police ou un afficheurs, tous sont des conducteurs actifs. Comme un village de far-west dédié au travail, la Zone Industrielle des Milles s'étire depuis les Milles jusqu'à la commune de Bouc-Bel-Air. Au fond de la zone, bien délimitée par l'autoroute, les dernière parcelle peine à être absorbées.

    Le visiteur à présent délivré de la bué par sa puissante ventilation admire un désajustement, une rupture. Ici plus de trottoire stalinien ou d'entreprises apprétées à la green attitude mais plutôt une succession de terrains vite fait agricoles et puis au milieu deux impressionants ilots institutionnels. En premier lieux la Maison d'arrêt de Luynes - voir article "des cris dans la nuit" sur le blog (ici) http://aix-en-provence-la-vraie.kazeo.com/News-Aix-en-Provence/Z-I-Des-cris-dans-la-nuit,a1860009.html -, édifice typiquement carcéral à l'architecture in fine imposante et plus loin une rareté dans le sud de la France : une vaste nécropole militaire.

    A la hauteur des miradors du centre de rélégation, au cris de ses détenus s'opposent le plat des gazons empierrés de stelles, le silence de ces 11 500 hommes morts pour la France. Si le parking de l'établissement pénitentiaire est comble, celui de la nécropole est totalement vide. Presque idéal pour la pause café prise en looser dans la voiture, songeant aux préparateurs de commandes placés en rang d'oignon à la machine à café encrassée. Un pictogramme mélant une croix, un drapeau tricolore et un casque de poilus cotoie un panneau plus commun interdisant le stationnement prolongé sur le parking. Respectée, la réglementation l'est assurêment à grand renfort de patrouilles policières chargées de faire la chasse aux passagers clandestins de l'aire de stationnement.

    Ces mesures de sécurité non rien à envier aux procédures inclus dans le plan vigipirate mais concourent à un tout autre enjeu : réduire l'existence d'un lieu de rencontre gay localisé en face de la nécropole. De l'autre côté de la route, un terrain vague, reliquat des anciens Marais de l'Enfant, fait office de lieu de drague avec en guest une ferme abandonnée, délabrée depuis de nombreuses années. Dans leur atelier, les gardiens de repos eternel ne souffrent pas de cette proximité largement attenuée par une voie rurale devenue route. Comme un être bicéphale, un hydre, deux générations de gardien se cotoies pour, selon la Convention de Genève, "entretenir à perpétuité" les tombes de ces hommes tombés en uniforme pour la France durant les deux dernières guerres mondiales.

    Nommés sous la tutelle du Ministère des Anciens combatants, ces hommes sont issus de l'effectif militaire. Le plus ancien a en cette année 2010 pris sa retraite, laissant toute la responsabilité du site à celui qui le secondait depuis déjà cinq années. L'ainé résume une transition en douceur, en rupture avec les schèmes de "l'administration d'avant" où chacun cherchait à conserver puis à enmmener son savoir. Présent depuis 1993, l'ancien en a déjà vue du mobilier funéraire, il est de ces hommes qui ont participé à des projets aussi vastes que méconnus : une sorte d'ingenerie à la Jack Bauer. Du reste comme le rappel l'ancien, sa place n'est pas celle de héros, ceux-la sont sous nos pied, mais en arrière plan. Ici pour pratiquer une réduction, là-bas pour répartir des corps débarqués d'Indochine.

    L'ancien raconte ses prédecesseurs qui pour certains avaient servis dans le Têt, rampé dans les rizières au claire d'une mousson. Pour sa part, le gardien sortant s'attribut un rapport plus distancié avec l'exercice classique militaire. Son parcours : un passage à Berlin affecté à la surveillance du quartier international, à l'acceuil des évadés de l'est puis une démobilisation vers le secteur des travaux publics et enfin le contact décisif. La France muette recrute des hommes solides capables d'assumer les plus lourdes des tâches en temps de paix, l'ancien en sera.

    En bon baroudeur, l'ancien accepte les missions et notamment l'opération Indochine qui consiste à rapatrier depuis ces terres loingtaines plus de 27 000 corps d'hommes tombés pour la France. Basé dans le Var, l'ancien est chargé de la réception des caisses collectées par ces collègues sur les ruines de feu l'empire colonial français. Le travail est difficile techniquement et en haut-lieu, la solidité des hommes est jugée essentielle. A Paris on organise, on définie la stratégie à menner, une sorte de service après-guerre. Dans le cadre d'un plan national, l'Etat décide de regrouper les tombes des soldats tombés aux combats. Il s'agit alors de "récupérer" les restes dans les innombrables cimetières français où un carré était spécialement reservé puis, dans un deuxième temps, de prospecter au quatre coins du monde des gisements de dépouilles.

    A l'occasion de ce regroupement des corps, certains sont restitué à leur famille et ces parfois l'ancien qui convoit dans un petit village de Moselle ou au fond de la Creuse un grand-père réclamé de longue date. Ce type de sortie tranche avec le travail plus classique d'exhumation comme ce fut le cas à la nécropole de Luynes en 1987. A cette occasion, un carré de militaires d'origine vietnamienne fut rapatrié pour un dernier voyage vers la Nécropole de Fréjus spécialisée dans cette aire guerriére. Cette dernière, à l'opposée de Luynes, jouit d'une assise historique, la nécropole ayant été bâtie sur le site d'une ancienne caserne militaire qui était du reste affectée à la préparation des hommes envoyés en Extême-Orient.

    Dans le bureau, le jeune apprécie ce récit historique, accièsse ici, rend homage plus loin. De l'autre côté de la fenêtre, le chat de l'ancien gratte à sa porte : l'ancien est logé au cimetière. Sans complexe, ce dernier n'a jamais eu à se pleindre de visiteur nocturne, de soldat fantomes à la recherche d'une américaine. Dans son histoire, l'ancien montre ponctuellement le loingtain, ces lignes de carrés tout en marbre en dessous desquels reposent un homme. Plutôt fière, le nouveau gardien de la Nécropole indique le cordeau du jardin qui n'a rien à envier à l'impécabilité d'un golf. Sur 5 hectares, le cimmetière mis dans une perspective en impose avec au centre du dispositif le drapeau français. Plus discrète, la chapelle ardente est traitée avec un respect militaire et "prête, le cas échéant, à acceuillir des corps".

    Au dehors, aucun vivant ne vient. A l'atelier, l'ancien ne regrette pas le temps où les photos des employés morts était affichées comme des reliques. Sans plus de nostalgie, ce dernier évoque ces 11 novembre où la petite pièce, appelée de gardien à gardien refectoire, devait être laissée aux huiles pour le loisir de leurs aisances. Une bruine fend le soleil. A la sortie le portilllon bien huilé ne couine pas. Pourvu que le crématorium voisin ne reçoive pas aujourd'hui, l'ancien a parlé des cris insoutenables de leurs visiteurs .


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